RADIO MAGAZINE n°9 février 1993 PROFESSION : DISC JOCKEY
Intraduisible le terme inventé aux Etats-Unis à la fin des années 50
provient de stations AM qui laissaient une large place à la musique rock. Le
métier de DJ -prononcez « di jey »- est né en France avec les radios
libres, en raison du manque de moyens techniques. Voici le portrait d'un des
animateurs-techniciens qui monte. Il a présenté avec brio (avec qui ?) le concert du premier anniversaire
de M40. Il maîtrise aussi bien la technique que l'animation radio. Il fait de
la production artistique pour la publicité et ne dédaigne pas de faire de la
musique. Il s'appelle « Pat » (Patrice) Angeli et est DJ depuis des
années. A l'antenne de M40 dès 17h, il se sent plus instinctif dans son travail
que « préparateur ». Derrière sa console, il aime par dessus tout
dialoguer avec son public. PROF DE SPORT Tout en continuant ses études pour devenir professeur
d'éducation physique, il débute en 1983 à 17 ans sur Radio Plus (Dreux), engagé
« au pied levé » lors d'un entretien avec l'un des responsables.
Passionné de musique funk, il se perfectionne tous les samedis sur cette FM qui
s'inspire (largement) de NRJ. Il souligne qu'il est préférable de commencer
« le métier » dans de petites structures plutôt que dans de
« grosses » entreprises. Selon lui, les apprentis » n'y
obtiennent que très rarement la responsabilité de l'antenne; plutôt confinés à
des tâches diverses comme servir du café ou couper les dépèces. « Si on se
plante au départ, si on est mauvais dans des petites structures, ce n'est pas
grave » explique-t-il. Sa voix passe ensuite « à l'ennemi » (il
n'existait alors que deux FM à Dreux !); sur « Force 7' qui est ensuite
« franchisée » pour le réseau FUN en 1985. RADIOPHONISER AU SOLEIL Après son Bac, n'ayant toujours pas choisi « son
camp » entre les cours de gym / tennis et radio, il descend sur la côte
d'azur et rencontre les responsables de NRJ-Cannes (réseau régional indépendant
du groupe NRJ qui est devenu Kiss Côte d'Azur), FM leader de cette région. Ils
l'entraînent dans leur équipe. Il y apprend le montage, la conception et la
réalisation de publicités, des jingles et de la « production »
(artistique) de programmes. Il choisit enfin de « plonger » et de
devenir un vrai pro jusqu'en 1987, tout en conservant derrière la tête, l'idée
de devenir journaliste sportif, sa vraie vocation. Après cet apprentissage « sur
le tas » c'est le retour vers Paris. RETOUR A LA CASE ECOLE Désormais décidé à se perfectionner dans son job, il
entre au Studio Ecole de France où il goûte au délices passionnantes de toutes
les facettes du métier. Il précise « On ne peut pas inculquer à quelqu'un
les bases de l'animation; le verbe, on l'a ou pas. Et des dizaines d'années
derrière un micro ne feront pas de vous un bon animateur si vous ne possédez
pas ce feu sacré qui va vous différencier des centaines de prétendant au titre »
Lucide mais toujours optimiste, il s'éloigne en même temps quelque peu des
stations de radio, préférant suivre Charles Biétry et Michel Denisot (Canal+)
au Parc des Princes en 1988. AVENTURE MAXXIMUM Quelques mois après, il apprend que RTL va créer une
nouvelle station de FM. Il envoie une cassette (maquette) à Michel Brillé,
directeur de l'antenne (ex-Europe 1). Surprise (?), il est engagé deux jours
après. Durant tout l'été, il est « breafé », formaté, adapté et
dirigé par le team de l'antenne. Le choix retenu était de former des inconnus
plutôt que des « vedettes » (sauf Lorenzo ex-Chérie FM à Skyrock
maintenant). C'est alors la création d'une station sans doute trop en avance
sur son temps (format Dance Music). Maxximum bat son plein et va marquer toute
une génération d'adolescents à un point tel qu'aujourd'hui encore cet auditoire
se plaint de « rester sur sa faim » en raison de la disparition de ce
type de radio. UNE JOURNEE BIEN REMPLIE Pour sa tranche (17h / 20h), Pat' Angeli n'a pas
besoin de se lever aux aurores. Pourtant, il ne dédaigne pas de passer le matin
aux studios de M40 situés dans le nouveau Forum des Halles à Paris. Il y
enregistre, mixe et remixe les « productions » de sa plus récente
passion : la musique. Il utilise les « samplers » (échantillonneurs :
enregistreurs numériques destinés à être joués sur le clavier musical). Grâce à
l'informatique musicale, il réalise de nombreuses versions « remixées »
de tube dance music qui sont diffusés à l'antenne. En arrivant, il ouvre son
courrier et consulte ses messages minitel, prépare son « menu » de la
journée : une tranche musicale ponctuée de jeux et « inserts »
téléphoniques. Alors que son prédécesseurs » à l'antenne vient à peine de
la rendre (16h59 !), il prépare ses Disques Compacts en moins d'une minute
chrono. Son « conducteur » (scénario de l'émission) est surtout dans
sa tête. LA TECHNIQUE Originalté M40 : outre les CD « normaux »,
les jingles, quelques pubs et autres « promos » ont un support commun
: le disque compact numérique enregistré. En effet, rares sont encore les
bandes magnétiques à l'antenne (cartouches). Tout est désormais numérique et le
passage à l'informatique (les sons sont alors numérisés sur des unités de
disque durs comme pour toutes les données d'ordinateur) est pour très bientôt à
M40. Ce choix permet une sécurité (plus de disque rayé, de saphir encrassé),
une souplesse d'utilisation (précision et instantanéité du départ du morceau) et
surtout une qualité optimisée indispensable pour toute FM musicale. Chaque
animateur M40 dispose de sa propre « identification » (jingles,
virgules, bruitages...). Chaque enregistrement est déclenché par action sur le
« potar » (potentiomètre) ou « fader ». Les niveaux (volume
du son) sont idéalement traités par une série de compresseurs
(compresseurs-expanseurs de dynamique, spatialisation de la stéréo, traitement
du timbre ou correction grave-aigus) tous automatisés, ce qui permet au DJ de
ne se préoccuper que de l'essentiel : l'enchaînement et l'animation. LIMITER LES RISQUES Derrière « ses fourneaux », Pat bondit
entre les machines, répond par téléphone au gagnant du jeu, « cale »
les prochains disques, jette un oeil à la pendule, sélectionne un message
minitel et enfin ouvre son micro pour annoncer un concert exceptionnel : celui
du premier anniversaire de M40. Il connaît précisément la distance idéale entre
la bouche et le micro pour donner un maxximum d'intensité et de relief à sa
voix. Il reste concentré et n'aime pas particulièrement qu'il y ait « du
monde » derrière lui en cabine lorsqu'il travaille. L'une des
« ficelles » qu'il aime utiliser : il s'adresse à une personne en
particulier (il regarde droit devant lui) quand il est à l'antenne. Il fait des
gestes en même temps et « lui » parle « comme à un pote ». LE STYLE ET L'EMOTION Passionné par l'originalité de sa FM sur laquelle
l'animateur parle plus longtemps qu'ailleurs et où la musique est constituée
d'une grande majorité de nouveautés, ce qui a fait le succès de la 1ère FM en
Espagne (co-actionnaire de M40), Pat livre quelques uns de ses secrets. En
conservant un aspect « propre », il faut surtout éliminer le blabla
ou les formules du genre « Vous allez écouter maintenant » ou
« Super – Hyper - Génial » ou encore « J'espère que vous allez
bien, on va passer un bon après-midi », ce qui parait facile au premier
abord mais qui, au long des émissions est un réel challenge : il ne faut pas se
répéter. En revanche, la dérision est indispensable, le deuxième degré et
surtout l'humour et l'auto-dérision permettent de rendre sympathique le DJ.
« En fait, il n'y a pas de recette miracle » nous dis Pat' et il
ajoute « Après avoir maîtrisé la technique, il fait trouver son style en
restant surtout soi-même ». Essayer de jouer un rôle de sert pratiquement
à rien. La difficulté majeure est de garder le même ton, la même humeur et la
même « voix » que dans la vie. Il insiste sur la simplicité,
l'émotion et la franchise. Pat Angeli y arrive et c'est ce qui le rend
sympathique. S'il avait un conseil à donner aux DJ's en herbe, il leur
conseillerai de pratiquer la « tchatche » (la parole), de ne pas
rester renfermé, d'aller vers les autres et de dialoguer. « Un solide sens
de l'humour et surtout pas se prendre au sérieux »sont ses devises. Une
méthode qui semble sourire à Pat Angeli dont on entendra sans doute parler de
plus en plus. Entretien : CDA
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